Portes d'enfer
(Poésie)
Or, j'étais descendu, par les
routes de Dante
Et j'entendais au loin le cri sourd
des démons
Qui tournent les damnés dans
la fournaise ardente.
Et j'allais..., et j'allais, escaladant
les monts
Traversant les forêts, et longeant
les plages
Les lacs lourds qui dormaient dans
l'algue et le limon.
Seul, l'allais sous le ciel tout saignant
de nuages
Dans la lumière fauve et louche
du couchant
Et j'allais... Je marchais bien longtemps,
bien des âges.
Et je vins, au seuil qu'habite le méchant,
Vers le repli squameux des cols syphilitiques
Là, mon être en frayeur
s'arrêta, trébuchant.
Deux chaînons colossaux de montagnes
antiques
S'étalaient, convergeant en
un point de la nuit,
Comme un écartement de cuisses
fantastiques.
Effroyablement nus et froids, sans fleur,,
sans fruit,
Ces monts cyclopéens étaient
de marbre rose
Et leurs formes avaient la rondeur
sui séduit.
Leur angle obtus s'ouvrait, lascif,
dans une pose
D'attente féminine et, bien
dans le lointain,
Le méat infernal brillait, fente
mal close.
Jour de Dieu ! J'en ai vu, le soir ou
le matin,
J'en ai touché du doigt, des
cons et des matrices,
Éprouves et meurtris par les
coups du destin.
J'ai vu des périnées marqués
de cicatrices
Et j'ai vu, distendu par les efforts
du temps
Le sourire plissé des lèvres
de nourrice.
J'ai vu culs bourgeonnant comme vigne
au printemps
J'ai vu, laids et railleurs dans leur
barbe de faune
Sur des vieux clitoris des capuchons
flottants.
Et des canaux ocreux coulant comme le
Rhône
Et des lèvres de femme usée
au braquemart
Dont chaque pli pendait rouge, bleu,
noir ou jaune.
Cons pourris de Lourcine, et cons morts
de Clamart,
Je vous ai vus baignés dans
un jus multicolore
Nager, flasque, dans une odeur de vieux
homard.
Mais, j'en jure Duval, Inès et
veuve Laure
Je n'avais jamais vu si terrible hideur
Et, rien qu'au souvenir, mes mains
tremblent encore !
Un vase Himalaya, fendu par l'impudeur,
Entrouvrait sur la nuit deux lèvres
titanesques
Dont les rides sans fond sillonnaient
la raideur.
L'usuel avait plaqué ses vertes
arabesques
Et l'eau, lourde de soufre et de fer,
suintait
Peignant sur les rocs bruns de grands
chancres en fresques.
En bas, un lac gluant de flueurs clapotait
Et noirâtre il luisait dans ses
grèves d'écume,
Miroir géant que la pourriture
argentait.
Un vent soufflait, chargé de
naphte et de bitume
Sa puanteur avait de telles densités
Qu'on la voyait passer dans l'air,
comme une brume.
Et tout en haut, perdu dans les obscurités
Sur le mont de Vénus, un bois
d'arbres farouches
Tordait ses troncs noueux sur les cieux
empestés.
Par centaines, velus et roulant leurs
yeux louches
Des poux rôdeurs, plus hauts
que de vieux éléphants
Rampaient, collant au sol les suçons
de leur bouches.
Or Satan, père et dieu des chancres
triomphants
A gravé sur le seuil le grand
vers de Florence,
Qui fait devant la vulve hésiter
les enfantes:
" Vous qui pénétrez là,
laissez toute espérance... "